Elle s’appelle Mamy Bifalo. Si pas la seule, elle fait partie de ce nombre très réduit de femmes qui défient l’électronique à Kisangani. Ce jeudi 12 janvier, KIS24 est allé à la rencontre d’une femme battante, depuis 22 ans, au cœur d’un domaine traditionnellement reconnu à l’homme.
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C’est au pied de l’immeuble CEDI, entre le Rond-point du Canon et la prison centrale qu’elle exprime sa passion et répare les préjugés sur la Femme. Sa table surchargée constitue son ‘’précieux’’ bureau. Des téléphones, des ordinateurs, des fers à repasser, télévision… Un bon nombre d’appareils sont à sa disposition pour réparation.
Biochimiste de formation, Madame Mamy s’est fait une renommée incontestable en électronique, affirme son entourage. Depuis toute petite, elle reparait les calculatrices, se rappelle-t-elle. D’ailleurs, chez d’autres collègues de son service, on l’appelle « Tout capable ». Ses mots font preuve d’un engagement assidu.
« Il n’existe pas un métier appartenant exclusivement aux hommes. C’est le courage qui qualifie et distingue les hommes », lance-t-elle avec conviction.
Durant sa carrière, Mamy a toujours évité la honte, le doute et le complexe, pour la seule raison « avec cela, on ne peut pas avancer ». En 2001, lorsqu’elle décide de se lancer sur le terrain de la pratique, « personne ne lui avait accordé la chance », se souvient-elle.
Cependant, sa persévérance lui a valu une place de titan, que ce soit à Lubumbashi ou à Kisangani. À Kisangani, Mamy Bifalo a travaillé pour la maison TigreCom. Depuis plus de deux ans, elle s’est relancée toute seule, en dépit de difficultés de son métier à Kisangani.
« C’est le seul métier que j’ai dans la vie. Je nourris ma famille, je scolarise les enfants et mes petits-frères et petites-sœurs bénéficient aussi de ce qui vient de cette petite table. Je suis responsable », témoigne-t-elle.
Une femme à des compétences rares
Il est rare de voir cette Réparatrice seule. Souvent, au travail à 9 h, elle clôture ses activités à 18 h, toute la journée, les yeux braqués sur les appareils. Ses clients apprécient ses performances techniques qui sont remarquables. Ce soir, nous y avons rencontré deux clients. Germain Lokela parle d’une »Réparatrice sans faute » qui »place aussi ses clients dans des bonnes conditions. »
« Elle est courageuse. Elle travaille en bonne et due forme. Quand ailleurs ça ne tient pas, on vient ici. Aujourd’hui, j’ai amené mon Frère Gérôme ici. Il y a déjà une solution en vue », a expliqué Monsieur Lokela.
Monsieur Gloria Kinetu, vendeur des téléphones et accessoires, vante ses prouesses. « Elle maîtrise beaucoup de choses. Elle m’a déjà marqué. C’est vraiment rare de voir une fille faire les travaux des techniciens », affirme-t-il.
Un monde d’entraide
Aujourd’hui vingt-deux ans avec des tournevis dans ses mains, Mamy a pu former cinq autres techniciens. Son école reste ouverte pour toute formation, dit-elle, pour n’importe qui veut apprendre. Elle a choisi la réparation des appareils, car explique-t-elle, ‘’nous sommes à l’heure de la nouvelle technologie’’. Toutefois, l’électricité, la mécanique, la maçonnerie et la coiffure homme, elle en sait quelque chose.
À Lubumbashi, elle a rejoint un centre de formation, cependant, c’était en retard, dit-elle. Dans la ville cuprifère, elle s’est perfectionnée jusqu’à s’imposer parmi les meilleurs.
« J’appelle surtout les filles à venir pour la formation. Mettons de côté la honte. J’ai toujours été critiquée, injuriée, découragée par-ci par-là. Mais moi, je regarde l’argent. J’ai une nouvelle moto comme moyen de déplacement, j’ai acheté des parcelles et je n’envie pas certains salariés », a-t-elle lancé.
Mariée, à l’en croire, l’homme ne devrait plus tout apporter au foyer. Toujours en quête de la stabilité financière, elle invite les autres femmes, celles qui privilégient la beauté, à soutenir leurs partenaires. « Femmes, n’attendez pas tous de l’homme. Nous sommes dans un monde d’entraide et de l’économie. », a-t-elle conclu, notre entretien.