Plusieurs voix se sont levées tantôt dans le sens de soutenir la note circulaire, tantôt dans le sens de la remettre en cause. Ce que nous a poussé en notre qualité de juriste et chercheur en droit, d’y réfléchir et de donner librement notre position.
Nous avons conclu dans le sens que l’idée est politiquement meilleure du fait de la situation sécuritaire, mais elle viole des principes sacrés de droit et des lois, bref la RDC doit éviter le suivisme aveugle qui consiste à se précipiter dans la ratification des traités internationaux sans les confronter aux réalités et motivations du droit interne.
Au paragraphe 3 de la deuxième page de la note en sus il est dit: <<…, à l’occasion d’une opération de police tendant au maintien ou au rétablissement de l’ordre public ou encore pendant toute autre circonstance exceptionnelle… >> sans définir ladite circonstance exceptionnelle, alors qu’il est de principe que la loi pénale est de stricte interprétation.
Devant une telle situation que fait le juge pénal ? Il invente ladite définition, ou il écarte tout simplement l’examen des faits ?
La note soutient que la législation pénale en vigueur prévoit la peine de mort pour certaines infractions, et se limite sur ladite législation, la confondant à tort à toute notre législation, mettant expressément de côté la constitution et les traités internationaux dument ratifiés.
Cette note a évité de reconnaitre que la législation demeure confuse en R.D.C sur la peine de mort. D’une part la constitution et les traités qui mettent en considération la sacralité de la vie humaine et d’autre le droit pénal qui est d’application dans le pays, dans l’arsenal des peines applicables contient toujours la peine de mort.
Comme partout au monde, les doctrinaires congolais divergent aussi d’avis sur la peine de mort. Les abolitionnistes comme AKELE ADAU pensent que la ratification en mai 2002 du statut de ROME sur la C.P.I par la R.D.C doit renvoyer à penser qu’on allait enfin amener le législateur congolais à clarifier définitivement cette situation en s’alignant sur la philosophie abolitionniste du droit international pénal; mais la commission permanente de réforme du droit congolais émettra à cet égard un avis de prudence mesurée (AKELE ADAU, Réforme du droit pénal congolais, éd. CEPAS, tome III, Kinshas a, 2009, p165).
L’analyse de la constitution du 18 février 2006 démontre clairement l’idée selon laquelle le législateur congolais ne veut pas appliquer la peine de mort en posant le principe de la sacralité de la vie humaine dont aucune atteinte ne peut lui être portée.
La constitution dispose en son article 16: << la personne humaine est sacrée, l’Etat a l’obligation de la respecter et de la protéger >>.
L’analyse du mot sacré renvoi à conclure qu’il s’agit de ce qu’il y a un rapport au religieux, au divin, à qui ou à quoi l’on doit un respect absolu, qui s’impose par sa haute valeur et la conséquence juridique élémentaire est que l’on n’y peut porter atteinte sous quelque prétexte que ce soit, quelles que soient les circonstances.
Cet article est renforcé par l’article 61 de la constitution qui cite la vie parmi les droits fondamentaux non-dérogeables, auxquels il ne peut être porté atteinte en aucun cas, même lorsque l’état de siège ou l’état d’urgence aura été proclamé.
Cependant, les lois pénales prévoyant la peine de mort n’ayant pas été expressément abrogées par le constituant d’une part, et d’autre part, le juge pénal congolais n’étant pas juge de la constitutionalité mais seulement de la légalité, il revenait au législateur de tirer toutes les conséquences juridiques des articles 16 et 61, en promulguant des lois pénales d’adaptation.
Cette note circulaire a violé les dispositions constitutionnelles en sus, qui sont issus de l’esprit des traités régulièrement ratifiés par la RDC.
La valeur d’un traité dépend de la valeur qui lui est faite dans l’ordre juridique interne. C’est cette place qui détermine laquelle des deux normes internationales et internes prévaut en cas de conflit entre elles.
La plupart des États retiennent la formule de la primauté du traité sur le droit national. Dans ce contexte, la règle internationale prime sur le droit national interne antérieur en cas de conflit. C’est d’ailleurs le cas de la R.D.C.
La R.D.C a ratifié plusieurs traités en matière de droit à la vie et la ratification de ces règles par la R.D.C donne à ces textes internationaux une valeur juridique supra légale conduisant à l’obligation par la R.D.Congo de conformer son droit pénal auxdits instruments, c’est-à-dire, à l’abolition de la peine de mort parce que la constitution prévoit en son article 215 que les traités et accords internationaux régulièrement conclus ont, dès leur publication une autorité supérieur à celle des lois, sous réserve pour chacun des traités ou accords, de son application par l’autre partie.
Parmi ces instruments ratifiés, nous avons ceux qui parlent du droit à la vie notamme nt:
1°LA DECLARATION UNIVERSELLE DES DROITS DE L’HOMME
La D.U.D.H démontre explicitement l’idée d’abolition de la peine de mort en prônant les droits humains notamment dans ses articles 3 qui énoncent: <<< tout individu a droit à l a vie, à la liberté et à la sûreté de sa personne >>.
On remarque ici la valeur accordée à la vie qui est citée au premier plan. Ce qui renvoi à dire que même si cet individu, par méconnaissance ou inobservance de la loi venait de commettre un crime, il ne lui sera pas appliqué une loi qui portera atteinte directement à sa vie, c’est-à-dire lui donner la mort est interdit et parait de ce fait contraire à la D.U.D.H.
L’article 5: << nul, ne sera soumis à la torture, ni à des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants ».
C’est plutôt l’humanisation de la peine qui doit être ténu en compte; d’où la remise en cause de la peine de mort.
2°LA CHARTE AFRICAINE DE DROIT DE L’HOMME ET DES CITOYENS
Cette charte à laquelle la R.D.Congo a adhéré ne reconnait pas aussi l’application de Ia peine de mort. C’est ce qui ressort de son article 4 qui dit: << la personne humaine est inviolable. Tout être humain a droit au respect de sa vie et à l’intégrité physique et morale de sa personne: nul ne peut être privé arbitrairement de ce droit >».
3°LE PACTE INTERNATIONAL DES DROITS CIVILS ET POLITIQUES
L’article 7 du pacte stipule: << nul ne sera soumis à la torture, ni à des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradant, en particulier il est interdit de soumettre une personne sans son consentement à un expérience médicale ou scientifique ».
Donc en commun, ces instruments internationaux prônent la protection de la vie humaine, d’où l’abolition de la peine de mort.
Vu le taux élevé de la criminalité, le gouvernement a des raisons de penser aux peines les plus lourdes avec effets dissuasifs, mais avait l’obligation de respecter la constitution et l’esprit du législateur.
Un autre moyen était de quitter certains traités et modifier la constitution sur les dispositions relatives auxdits traités.
Ce n’est qu’à ce titre que nous serions restés légalistes.
En plus de cela, avec une justice remise en cause par tous, c’est trop risquer, avec des erreurs de justices à répétition, nous risquons d’assister à des exécutions issues des décisions erronées.
D’ailleurs qu’il est de principe qu’acquitter un coupable est mieux que de condamner un innocent.
Après avoir exécuté un innocent, que fait la justice lorsqu’elle est informée de cette innocence ?