Dans le cadre de travailler pour l’indépendance de la justice surtout à cette période électorale et dans le but de participer à la construction d’un état de droit, l’ACIDH, Action Contre l’impunité pour les Droits Humains, organise, depuis mercredi 24 mai 2023, à Kisangani, une série de conférence-débat notamment avec les acteurs politiques et de la société civile de la province de la Tshopo.
Les échanges d’idées s’appesantent sur des entorses au droit à un procès équitable avant, pendant et après les élections. D’après Me Olivier Gikomo MASWA, responsable de l’ACIDH en RDC, ces conférences visent à prévenir les violences des droits de l’homme en période électorale, c’est-à-dire, avant, pendant et après les élections. Mais aussi et surtout, sensibiliser la population sur la redevabilité des acteurs judiciaires qui doivent respecter les droits humains et les garanties de procès équitable.
À l’en croire, la motivation provient notamment des leçons tirées des échéances électorales passées. « Nous tenons ces conférences en rapport avec l’expérience passée lors des élections de 2018, où nous avions analysé une série de jugements rendue contre les défenseurs des droits de l’homme et des militants des partis politiques qui étaient poursuivis pour avoir réclamé leurs droits pendant ce processus électoral. De cette analyse, il est ressorti que plusieurs principes au droit à un procès équitable ont été violés », a-t-il signifié.
Outre Me Maswa, deux autres intervenants ont défilé devant une trentaine de participants. Pour Aimée LIHAHA, secrétaire provinciale de la CENI dans la Tshopo, qui a exposé sur les étapes et opérations majeures dans un processus électoral, lors des échéances passées, la CENI n’a pas bénéficié d’un accompagnement attendu des partis politiques et des activistes des droits humains. Pour elle, à cette nouvelle période électorale, son institution attend mieux des parties prenantes au processus.
De son côté, le Professeur Alphonse MAINDO, activiste et analyste indépendant, a outillé l’assistance sur l’exercice des libertés publiques tout au long du processus électoral et risques des poursuites judiciaires.
« Pour moi, j’ai souligné ici l’importance d’exercer ces libertés pour qu’on puisse avoir des élections libres, crédibles et transparentes. Ces libertés peuvent être mal perçues parce que nous sommes dans un régime autoritaire, un régime qui n’accepte pas la libre expression des gens en termes d’association, en termes de pensée, en termes d’opinion, d’expression, de manifestation, etc. Tous les droits fondamentaux ne sont pas acceptés, même si la constitution nous le garantit. Le régime lui-même n’est pas démocratique, c’est qu’il représente un problème pour les gens. Les gens risquent d’être poursuivis et arrêtés arbitrairement », a dit le Professeur Maindo à KIS24.
Dans la foulée, il propose que face à cela, on ne puisse pas inventer la roue de l’histoire. Pour lui, il faut essayer de rester dans la mesure du possible dans le respect de l’ordre et des bonnes mœurs. Il faut aussi des systèmes d’alertes précoces entre acteurs de la société civile et aussi faire un travail de monitoring sur les crimes commis, mais aussi l’autre possibilité, c’est le réseautage.
Présent à cette conférence débat avec les acteurs de la société sur les entorses au droit au procès équitable avant, pendant et après les élections de 2023 qu’a organisé en ce jour ACIDH, Jedidia MABELA, militant de la LUCHA, estime que celle-ci tombe à point nommé, car elle permet de passer en revue l’instrumentation de la justice qui a systématiquement muselé les activistes prodemocratie et les opposants lors des élections de 2018.
« Ces leçons majeures, partagées notamment dans le rapport qu’ACIDH nous a distribué, nous permet de nous assumer en tant que citoyen et veiller à ce que les faiblesses du passé ne se répètent plus », a-t-il confié.
Notons que l’ONGDH, Action Contre l’Impunité pour les Droits Humains (ACIDH), dans sa mission de contribuer à la lutte contre l’impunité des violations des droits humains avait analysé un certain nombre des jugements rendus contre des défenseurs des droits humains, des militants pro-démocratie et de certains membres des partis politiques de l’opposition durant cette période électorale.
Un rapport intitulé « Un chapelet d’entorses au droit à un procès équitable au cours du combat pour l’alternance démocratique au pouvoir en RD Congo. 2016-2019 » avait été publié à cet effet en octobre 2020. Ce rapport révèle que dans la majorité des cas, les prévenus avaient été poursuivis pour les infractions de provocation et incitation à des manquements envers l’autorité publique, offense au chef de l’Etat, propagation de faux bruits, publication et distribution des écrits alors qu’ils exerçaient leurs libertés fondamentales et droits reconnus par la Constitution : liberté de pensée, liberté d’expression, liberté des réunions pacifiques, liberté de manifestation, etc. Ces faits permettaient de conclure que la justice avait été instrumentalisée pour servir les intérêts et ambitions politiques individuels des acteurs politiques.
Trois ans après la publication de ce rapport, afin d’éviter que cette instrumentalisation tant décriée ne se répète lors du processus électoral de 2023 (processus en cours), ACIDH a résolu de mener quelques actions préventives à travers son projet intitulé « Plaidoyer en faveur de l’indépendance de la justice pour la protection et promotion des droits de l’Homme durant la période pré-électorale, électorale et post-électorale des élections de 2023 ». Ce projet est étalé sur 18 mois, soit de février 2023 à juillet 2024, et est animé dans plusieurs villes de la RDC.