Le conflit Mbole-Lengola, qui a secoué la ville de Kisangani au début de 2023, constitue une crise majeure dont les répercussions ont été profondément ressenties par les populations locales.
Hommes, femmes et enfants ont été poussé dans les rues de Kisangani abandonnant ainsi leurs ménages et champs.une situation qui jusqu’à présent aucune statistique officielle n’a été rendue publique par les autorités urbaines et provinciales.
L’histoire tragique de ce conflit est ecrite au présent par filles et fils de la Tshopo.
Approché par kis24.info au soir de cette cérémonie de paix et réconciliation ,Dr Clémence Kalibunji, médecin traitant à l’Hôpital Général de Référence d’Ubundu nous plonge dans un témoignage triste. Cet homme à la taille imposante, calme visiblement offre avec larmes aux yeux une perspective précise et détaillée sur cette tragédie, éclairant les causes, le déroulement et les conséquences de ce conflit sanglant intercommunautaire.
Fin janvier 2023, Kalibunji quitte Kisangani pour rejoindre Ubundu, où il doit assumer ses fonctions médicales. Peu après son arrivée, un mouvement violent éclate à Lubunga, dans la périphérie de Kisangani, traduisant une escalade de tensions entre deux communautés historiquement cohabitant : les Mbole et les Lengola. Les images de cette violence, diffusées à l’échelle nationale et internationale, sont atroces : villages incendiés, morts, blessés, scènes de chaos. La psychose s’installe rapidement dans la région, en particulier à Ubundu, où la communauté Mbole vit dans une peur persistante, alimentée par la crainte de représailles et par la diffusion de rumeurs alarmantes.
Au fil des jours, des affrontements sporadiques commencent à se produire dans la localité d’Ubundu, aussi bien dans le centre-ville qu’en zones rurales environnantes. Des incidents d’accrochages entre membres des deux communautés deviennent monnaie courante, engendrant une tension constante. La présence de ces hostilités, jusque-là limitées à Kisangani, s’étend désormais à Ubundu, créant une situation d’insécurité permanente. Parmi les incidents majeurs, un médecin de Kisangani, qui devait revenir à Ubundu, a été attaqué dans une embuscade à Lubunga. Il a failli perdre la vie et a dû se réfugier dans une maison durant deux jours, avant de pouvoir fuir à Kisangani. Ce traumatisme a marqué un tournant, symbolisant la brutalité du conflit et la menace qui pèse désormais sur les populations civiles.
Le Dr Kalibunji relate également le cas d’un collaborateur de son père, originaire Mbole, qui a été contraint de quitter le poste qu’il occupait dans le secteur de Walengola-Babira, pour échapper à la violence. Ce dernier a abandonné ses fonctions après plusieurs décennies d’engagement dans la région, préférant se réfugier à Kisangani pour préserver sa vie. D’autres membres de la communauté Mbole ont connu le même sort, abandonnant villages et activités économiques, leur vie étant menacée par l’escalade des violences. Ces départs massifs illustrent la gravité de la situation, transformant Ubundu en un territoire marqué par le départ de ses habitants au nom de la survie.
Les origines du conflit et la perception communautaire

Le conflit, baptisé plus tard « Mbole-Lengola », ne s’est pas développé dans un vide. Selon le témoignage du Dr Kalibunji, plusieurs questions fondamentales demeurent sans réponse : comment une cohabitation pacifique entre ces deux peuples, qui partagent une histoire commune depuis la nuit des temps, a-t-elle pu dégénérer à ce point ? Quelles en sont les véritables causes ? La méfiance, alimentée par des préjugés, des stigmatisations et des manipulations, a alimenté la haine. Le médecin, qui a des origines à la fois Mbole et Lengola, exprime son malaise face à cette situation. Il souligne que, dans sa vision personnelle, cette crise est une parenthèse à refermer rapidement, une étape que l’histoire doit dépasser.
Le témoignage de cette crise ne se limite pas à l’aspect sécuritaire. La famille du Dr Kalibunji a été profondément affectée. Son frère, candidat aux élections municipales à Ubundu, a été victime de stigmatisation, ses voix étant boycottées en raison de ses origines Mbole, en pleine crise. Son propre père, qui aurait pu éviter la route terrestre en raison de l’insécurité, a finalement opté pour un voyage fluvial, illustrant la peur qui habite désormais chaque acteur de la région. La stigmatisation, la méfiance mutuelle et la suspicion généralisée ont fragilisé le tissu social, divisant des familles, des amis, des communautés entières.
Ce témoignage marque aussi une prise de conscience personnelle du Dr Kalibunji. Il insiste sur le fait que ce conflit ne doit pas être considéré comme une opposition entre ses parents, mais comme une crise qu’il faut traiter avec lucidité et volonté de réconciliation. La cohabitation, fondée sur des liens ancestraux, doit prévaloir. Il appelle à une désescalade immédiate, à la reconstruction du dialogue entre Mbole et Lengola, et à la remise en question des préjugés alimentant la haine.
un message d’espoir et de reconstruction

Enfin, le Dr Kalibunji, dans une déclaration empreinte de sincérité et de détermination, exhorte les leaders, les communautés et les autorités à œuvrer pour la paix. La région de la Tshopo doit tourner cette page sombre, car la violence, selon lui, va à l’encontre des valeurs fondamentales de coexistence et d’humanité. Les pertes humaines et matérielles doivent servir de leçons pour renforcer la cohésion, favoriser le dialogue interethnique et promouvoir une société unie. La paix, affirme-t-il, est la seule voie viable pour assurer un avenir serein à tous les Congolais, en particulier à la région de la Tshopo qui a tant à perdre si le cycle de violence perdure.
Ce témoignage, riche en détails et en réflexions profondes, donne une voix à ceux qui ont souffert et invite à une action collective pour la réconciliation. La région ne peut avancer qu’en dépassant ses divisions, en honorant la mémoire de ses victimes et en bâtissant un avenir basé sur la paix et la solidarité.

