Au Congo de Lumumba, comme dans le monde scientifico-culturel , Godefroy Mwanabwato, 35 ans, jouit d’un richissime statut « d’auteur publié ». Les « Destins calcinés » est son second recueil des nouvelles déjà disponible en ebook sur Amazon.com.au et en format livre à Kinshasa. Mi-fictif mi-vrai, entre démocratie et dictature , « les Destins calcinés » concurrence bien les plus grands auteurs du genre. Cet ouvrage peint le quotidien d’un peuple, celui qui se recherche en démocratie. Face à un destin calciné, nombreux jeunes, penseurs congolais résistent et proposent des solutions.
Kis24 : « Destins calcinés » est votre récent ouvrage. Sauriez-vous le résumer en quelques mots/lignes ?
Me Godefroy : Il s’agit d’un livre qui raconte les destins particuliers des congolais d’hier, d’aujourd’hui et de demain. Tout cela dans un style littéraire à travers des nouvelles à la fois mi-fictives et mi-realistes. Nos destins ne sont que des fragments de ce congo dans lequel nous sommes obligés de cohabiter en portant chacun son fardeau et en jouant chacun sa partition dans ce drame à ciel ouvert que nous jouons à l’unisson.
Kis24 : Me Godefroy, votre dernier recueil de nouvelles « Destins calcinés » a pour thème en filigrame la résistance et le prix à payer pour une vie au Congo de Lumumba.
Me. Godefroy : Effectivement. Vivre au Congo ce n’est pas vraiment vivre. C’est »survivre en parmanence ». Chacun de nous a sa part de destin que ce pays a calciné. Comme j’aime bien le dire et le répéter, »le Congo est un crime contre l’humanité ». Y vivre est déjà un défi.
En attendant la sortie prochaine de mon roman « Ainsi sont faites les lianes », la deuxième version de »Destins Calcinés » est déjà disponible. Elle a été augmentée de trois nouvelles qui ne paraissaient pas à la première édition. Le livre se vend à 15$.
Kis24 : Avez-vous voulu faire passer un message, réveiller les consciences, ou simplement raconter une histoire comme une autre ?
Me Godefroy : Les deux à la fois. Mais j’écris avant tout puisque je ne peux pas ne pas le faire. J’écris parceque je trouve que le monde mis en mots est plus beaux que le monde en soi. A travers ma plume, si les consciences arrivent à s’éveiller, je dirai tant mieux. Mais j’écris avant tout pour créer du beau à partir de quelque chose de moche que chaque congolais vit au quotidien.
Kis24 : Avant la sortie du «Destins calcinés », qui traite d’un thème plus grave que vos autres romans (l’Eden est triste) , aviez-vous eu peur de la réaction de vos lecteurs ? Visiblement les prédateurs de la démocratie ? Ces réactions sont-elles positives ?
Me Godefroy : Dans mes livres, j’ai fait du Congo mon personnage central. Tant dans sa beauté que dans sa laideur. On ne peut pas avoir peur de dire ce qui est. Si l’écrivain ne le fait pas, qui d’autre le fera ? L’Eden est triste a été une peinture du côté moche du Congo qui est à la fois un paradis (Eden) et un enfer (Triste).
Kis24 : Vous êtes né à Kisangani, c’est quoi déjà la nostalgie ? Puisque vous êtes maintenant basé à Kinshasa
Me Godefroy : Kisangani n’est pas pour moi qu’un lieu. C’est une part du moi. Au plus profond de mon être, où que je me trouve, je suis à Kisangani dans ma tête. Je suis un peu Kisangani et Kisangani est un peu moi. Nous sommes siamois.
Kis24 : Me Mwanabwato , dites-nous ; Quand écrivez-vous ? Avez-vous un « rituel d’écriture », des horaires ?
Me Godefroy : J’écris souvent la nuit. Quand tout est silencieux autour de moi, je m’installe à mon bureau à domicile et j’écris. Mais même dans ma routine professionnelle, je me surprends à imaginer les scénarios de mes prochains livres et de mes nouvelles. Vous savez ? Un écrivain est écrivain en permanence. Tout ce qu’il entend et voit est source d’inspiration.
Kis24 :Que représente l’écriture pour vous ?
Me Godefroy : L’écriture est ce que l’homme a inventé de mieux à travers le temps. Que serions-nous sans elle? Lorsque je regarde les hiéroglyphes égyptiens ou les signes tracés sur le bâton d’Ishango, je suis émerveillé. L’écriture c’est l’âme du monde.
Kis24 : Vous disiez récemment : «… portant chacun sa partition dans ce drame à ciel ouvert… ». Qu’est-ce que cela signifie pour vous ?
Me Godefroy : Le Congo est un théâtre dramatique. Chacun y joue sa partition. Il y en a qui la joue mal et aussi ceux qui essaient de faire accorder les violons. Ceux qui essaient de donner du sens à ce drame. Ce pays est une calamité, un désastre qu’il faut arriver à déconstruire avant de le rebâtir.
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Kis24 : Qu’éprouvez-vous avant la sortie d’un roman ou un livre ? Crainte, réjouissance ? Et après ?
Me Godefroy : C’est qu’une femme éprouve avant la naissance de son enfant. Non seulement elle est excitée à l’idée de voir son nouveau né mais elle a aussi peur. Elle ne sait pas à quoi l’enfant va réellement ressembler. C’est le dilemme de l’acte créatif.
Kis24 : Entre votre premier roman « l’Eden est triste » et « Destins calcinés », sentez-vous une évolution ? Écrivez-vous différemment ?
Me Godefroy : Je ne sais pas. Les lecteurs pourront juger au fil du temps. Moi j’écris tout simplement.
Kis24 : Si l’on regarde de plus près votre bibliographie, on ne peut pas s’empêcher de parler de votre vie d’activiste, de la LUCHA si intimement liée à votre identité . Pouvez-vous remonter le temps en quelques mots ? Sur les 12 mois passés en prison ?
Me Godefroy : Mon passage en prison a forgé ma résilience. Il a été à la fois une mort et une résurrection. J’en parlerai plus longuement dans un livre à paraître dans cinq à dix ans.
Kis24 : Votre triple casquettes avocat, politique et auteur, ne vous empêche pas de vivre ce sentiment patriotique comme une harmonie et non pas comme une confrontation de ces deux mondes.
Me Godefroy : Sait-on vraiment ce que l’on est ? Chaque humain porte plusieurs casquettes. Je suis avocat par nécessité puisqu’il faut gagner sa vie. Je suis écrivain par passion puisque je ne sais pas ne pas l’être. Je suis opérateur politique par contrainte puisque dans ce pays, il faut des gens pour essayer de changer les choses.
Kis24 : Auteur est un métier difficile et surtout en RDCongo . Avez-vous déjà des conseils pour les gens qui rêvent d’écrire ?
Me Godefroy : Être écrivain est un risque dans notre pays. Mais c’est pareil pour tout autre métier. Qui gagne bien sa vie grâce à son métier dans ce pays hormis la poignée des bourgeois qui piquent dans les caisses de l’État b? L’essentiel est de garder le cap. D’être passionné par ce qu’on fait. Le reste suivra.
Propos recueillis par Steves TISSERON