Ce 14 mai 2023, jour pour jour, le peuple Boyomais « habitant de Kisangani » se souvient des tristes événements survécus le 14 Mai 2002. Dans la rue, ils s’opposaient à l’occupation étrangère de son sol par l’armée du RCD (Rassemblement Congolais pour la démocratie), soutenu par le Rwanda. Des manifestations populaires violemment réprimées et causant un bain de sang sans précédent. Il y a eu des vols, des pillages, des meurtres et d’autres formes d’attaques systématiques contre les civils. Bref, une journée cauchemardesque dont les traumatismes survivent encore chez les survivants.
Aujourd’hui, 21 ans après que les armées de la rébellion du RCD-GOMA et du Rwanda ont massacré plus de 300 civils, Kisangani crie toujours justice. Des corps de certains d’entre les boyomais ont été jetés dans la rivière Tshopo.
Les ONG de défense des droits humains de Kisangani ont dénoncé et documenté, au risque de leurs vies, ces graves crimes de guerre et crimes contre l’humanité.
Grâce à leurs efforts, Human Rights Watch et les Nations Unies par le biais de la Rapporteuse Spéciale sur les exécutions sommaires et extra-judiciaires Mme Asma Hangiri, ont été dépêchés à Kisangani et ils y ont mené leurs propres enquêtes qui ont abouti aux mêmes résultats environ 300 morts civils, des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité commis.
D’après Dismas KITENGE, président du Groupe Lotus, jusqu’à ce jour, des auteurs et exécutants de ces crimes odieux sont vivants et beaucoup d’entre eux sont dans les institutions de la république : armée, parlement et gouvernement.
Il ajoute que beaucoup d’acteurs de la société civile de Kisangani ont été menacés de mort, contraints à la clandestinité, d’autres ont été exfiltrés et ils se sont réfugiés au camps des casques bleus de la Monusco, situé à l’ex résidence du Gouverneur de la province.
Durant de nombreuses années, précisément plus de 21 ans, des victimes de ces crimes graves des massacres des civils de Kisangani le 14 mai 2002 et de vaillants et audacieux acteurs de la société civile de Kisangani sont jetés dans les oubliettes de la République.
Il est temps de rendre hommage à ces nombreuses victimes, aux acteurs de la société civile (Dr. Abisa, Abbé Jean-Pierre Badidike, François Zoka, Gilbert Kalinde, Pierre Kibaka, Pr. Jean Otemikongo Mandefu, Pr Faustin Toengaho, Blaise Baise Bolemba, Dismas Kitenge, Guy Verhaegen et d’autres).
« Merci aux vaillants de la Monusco de Kisangani qui ont contribué à la documentation de ces crimes graves et lesquels ont porté assistance à ces acteurs de la société civile en danger (Défunte Mme Lisa MbeleMbongo, M.Sylvain Mudimbi Masudi, Luc Henkimbrant, Louis Marie Bouaka, etc…). Rien ne sera oublié. Appliquons aussi le pilier des poursuites judiciaires pour donner corps à la véritable justice transitionnelle en RDC », écrit Dismas KITENGE SENGA du Groupe LOTUS/FIDH, ce dimanche 14 mai 2023.
Que s’est-il réellement passé, le 14 mai 2002 ?
La nuit du 13 au 14 mai 2002, une présence militaire inhabituelle est observée aux environs de 4 heures du matin, dans quelques points stratégiques de Kisangani. Il semble que certains militaires et policiers en faction aient été persuadés, ce jour-là, d’adhérer à l’opération envisagée. Le directeur de la prison centrale a été sommé de remettre la clé de la prison à un groupe de militaires qui a fait irruption dans sa parcelle, située dans l’enceinte même de ladite prison. S’en suivra la libération des prisonniers.
Vers 5 heures du matin, une dizaine de militaires font irruption à la radio officielle, la RTNC, qu’ils réussissent à mettre en marche grâce au technicien du jour.
Dans un discours distillant une dose remarquable de xénophobie, ces mutins appellent la population de toutes les six communes de Kisangani à se munir d’armes blanches, à se joindre à eux afin de bouter les Rwandais hors de Kisangani.
Les principaux destinataires de cet appel sont les groupes de jeunes connus pour leur résistance. Ce sont ceux des quartiers de la commune Mangobo, un point chaud de la ville. Ces derniers sont regroupés au sein de l’association mutuelle dénommée «Bana Etats-Unis» (les enfants des États-Unis). Ceux du quartier Matete, dans la même commune, s’identifient au groupe « Écurie Kata Moto » et ceux des avenues transversales de la commune Kabondo.
Le choix porté sur ces jeunes n’est pas un hasard. Parmi ces jeunes, certains détiendraient des armes à feu mises à leur disposition par le RCD. D’autres seraient des déserteurs de l’armée ayant décliné l’offre de collaboration avec le RCD.
Dans leur message, les mutins (éléments du RCD) demandent aux deux autres radios locales, la RTA (Radio Télévision Amani) de l’Église Catholique et la Radio Okapi de la MONUC, de relayer leur message au gouvernement de Kinshasa afin que les renforts leur soient dépêchés. D’après le journal le SOFT du 13 Août 2002, Les mutins annoncent aussi que les deux aéroports (Simisimi et Bangboka) ont été fermés au trafic sauf pour les vols de la MONUC, l’actuelle MONUSCO. En même temps, ils émettent le souhait de rencontrer les officiers de la MONUC pour échanger sur la situation. Voir l’application de toutes les résolutions de l’ONU sur la guerre en Rd-Congo parvenir dans un délai raisonnable à l’unification du pays, tel est le vœu le plus ardent formulé par la population.
Cependant, toutes ces démarches tardent. «Une foule immense provenant des communes excentriques converge vers le centre-ville, munie d’armes blanches (machettes, gourdins, marteau, bâton, barre de fer, etc).
Sur leur chemin, explique un témoin et défenseur des DH, « des scènes d’une cruauté inimaginable se sont produits : des êtres humains considérés comme ennemis sont lapidés ou brûlés vifs.».
Ce 14 Mai 2023, la ville de Kisangani a vaqué à ses préoccupations. 21 ans après, les répressions de ce jour mémorable qui ont abouti au coulage du sang sont placées dans l’oubliette.