Décédé en France le Dimanche 11 juillet dernier en France, la mort du cardinal Laurent Monsengwo Pasinya constitue un choc bien qu’on lui connaissait malade. Son décès, à 81 ans révolus, continue à attrister plusieurs qui l’ont connu.
Jean-Claude Bantu, prêtre de l’Archidiocèse de Kisangani en mission religieuse en Belgique au diocèse de Liège comme “prêtre fidei donum” et chercheur à l’Université catholique de Louvain pleure, au-delà de tout, un Papa pour lui. Dans un message parvenu à Kis24.info, il retrace ses moments inoubliables vécus avec le regretté, à l’époque dans l’archidiocèse de Kisangani vers les années 80 et 90.
Kis24.info vous laisse découvrir en intégralité son témoignage émouvant :
Donner un témoignage sur la vie du Cardinal défunt Laurent Monsengwo Pasinya en 10 ou 20 minutes voire 1 heure serait, à mon avis, une suprême injure à cet homme de Dieu, un outrage à cet homme à l’intelligence supérieure, un crime de lèse-majesté à cet intellectuel hors-pair dont le récit de la vie mériterait plusieurs volumes. Mais je vais essayer dans la mesure du possible de me conformer aux exigences des médias en l’occurrence la Radio-Télévision Amani de l’Archidiocèse de Kisangani: RTA
Quand j’ai fait personnellement connaissance du Cardinal défunt Laurent Monsengwo Pasinya (désormais LMP dans le texte), il était encore évêque auxiliaire de Kisangani. J’avais à peine douze ans. C’était en janvier 1982 au retour des vacances de Noël au Petit Séminaire Sainte-Thérèse Mandombe, notre Alma Mater. Je me souviens de ce dimanche-là comme si c’était hier. Et depuis lors, s’est tissée entre nous une relation de père à fils. Qui dit relation “père-fils”, dit relation de confiance mutuelle, d’amour réciproque et aussi parfois d’incompréhension. C’est cela le sens de la famille qu’il a toujours prôné dans l’archidiocèse de Kisangani et dont il a fait le thème majeur du 3ème synode diocésain entre 1995 et 1997: “Kisangani, lève-toi, resplendis et deviens une Eglise-famille”, “Kisangani, simama na ungare ugeuka Eklezia jamaa”, “Kisangani, telema ongenge, okoma Eklezia libota”
Monsengwo, un Papa qui protège et défend ses enfants
Durant mon parcours d’élève et d’étudiant en formation au Petit-Séminaire Mandombe, au Philosophat Saint-Augustin de Kisangani, à l’Université Catholique de Louvain en Belgique, à l’Institut Biblique Pontifical de Rome et à l’Université Hébraïque de Jérusalem, et pendant les sept années passées dans l’Archidiocèse de Kisangani à ses côtés comme collaborateur, formateur au Petit Séminaire Mandombe et en Propédeutique diocésaine et Secrétaire-Chancelier, j’ai découvert en lui d’abord un bon papa, un papa qui défend et protège ses enfants, ensuite un enseignant, un maître, un érudit, un brillantissime connaisseur qui exhortait toujours à l’excellence. Je me rappelle qu’il ne cessait de nous répéter, à nous ses prêtres : “si vous êtes excellents, les fidèles qui vous sont confiés seront très bons, si vous êtes très bons, ils seront bons, si vous êtes bons, ils seront médiocres et si vous êtes médiocres, c’est la fin de l’Eglise”. Ou encore : “Un prêtre endetté, ce n’est pas décent ni digne” ou d’autres verbatim dont je parlerai en d’autres circonstances et que j’écrirai ultérieurement.
En plus d’être cet intellectuel rompu aux débats de haut vol, ce polyglotte admiré de tous, LMP était d’abord et avant tout un homme de Dieu, un homme de foi, un homme d’un grand cœur, un homme généreux, attentif aux souffrances et aux misères des autres. Voilà qui me fait dire que c’est là l’origine et la source de son engagement en politique d’autant plus que la politique au sens noble du terme est avant tout l’intérêt supérieur et le bonheur du peuple ainsi que la recherche du bien suprême de la cité. On y décèle alors le sens de sa devise sacerdotale dont il faut faire une exégèse contextuelle : “Infirma mundi elegit Deus” (cf. I Co 1, 28-29) : Dieu choisit les faibles du monde.
Un grand homme de Dieu et intelligent qui s’efface
J’ai parlé d’un homme de foi. Oui, il l’a été de toute sa vie sacerdotale et épiscopale. Car la foi, par définition, engendre à une nouvelle vie. Autrement dit, c’est l’ouverture à une réalité plus importante qui donne la vie. Si LMP a été et restera un grand homme de Dieu, c’est parce qu’il a été intimement convaincu que sa seule intelligence ne pouvait pas lui ouvrir d’autres horizons et d’autres sillons. Sans cette foi en Dieu, il resterait dans une bulle, enfermé sur lui-même, il refuserait l’altérité, il serait réfractaire au dialogue, il se refuserait même à croire qu’il existe d’autres réalités, d’autres personnes en dehors de son intelligence. Par sa foi en Dieu, il a cru en une réalité supérieure qui l’a engendré : c’est la lumière de Dieu qui a éclairé son intelligence car une intelligence qui n’est pas éclairée par la lumière de Dieu est égoïste, tyrannique et idolâtrique. C’est le plus grand péché qui a poursuivi le peuple d’Israël dans le désert qui croyait se passer de Dieu, qui voulait faire de sa propre tête, qui voulait s’autosuffire et s’autosatisfaire en se fabriquant un dieu représenté par un veau en métal fondu (veau d’or) (cf. Ex 32). Voilà comment il faut lire, comprendre alors le sens de sa devise épiscopale : “In fide veritatis” “ Dans (par) la foi en la Vérité” (2 Th 2, 13).
Je voudrais conclure ce petit témoignage, la mort dans l’âme, en m’adressant directement au Cardinal qui désormais repose en paix éternellement auprès de celui en qui il a cru toute sa vie et qu’il a servi toute sa vie comme prêtre et évêque :
Grand-Prêtre, comme nous t’appelions très affectueusement et très respectueusement, Vieux Laurent pour certains, tonton Laurent pour d’autres ou Vieux tout simplement pour d’autres encore, merci infiniment pour tout ce que tu as été pour l’Eglise universelle, pour l’Eglise africaine, pour l’Eglise du Congo, pour le diocèse de Inongo, pour l’Archidiocèse de Kisangani, pour l’Archidiocèse de Kinshasa et pour tout le peuple congolais. Nous ne t’oublierons jamais. Je te dis “Adieu” parce que tu reposes dorénavant en Dieu dont tu jouis de la lumière éternelle et de la vie, je te dis “aurevoir” parce que nous allons nous revoir dans la demeure éternelle du Père, car ici sur terre nous ne sommes que des pèlerins et des hommes de passage.
Il faut noter que la dépouille mortelle du cardinal Laurent Monsengwo est arrivée ce dimanche à Kinshasa. Plusieurs chrétiens catholiques et de congolais sont mobilisés pour un enterrement digne de ce grand fils du pays, ayant été présent dans les grands changements politiques importants du pays. Son inhumation interviendra mercredi 21 juillet à Kinshasa.
RÉDACTION