La république démocratique du Congo est sous menace d’une invasion du Rwanda depuis juillet dernier via les rebelles du M23. Le chef de l’état congolais Félix Tshisekedi l’a reconnu dans son adresse télévision de ce mercredi 3 novembre sur la télévision nationale.
Depuis quelques jours, les congolaises et congolais réfléchissent sur comment sauver le pays des griffes des rebelles appuyés par le Rwanda voisin. C’est à ce titre que les scientifiques congolais autour du prix Nobel de la paix Dr Denis Mukwege repensent la manière de voir cette guerre et mettent sur table des solutions.
Où se situe le problème ?
La nation subit une nième humiliation aujourd’hui. Le M23 étend inexorablement sa zone d’occupation au Nord-Kivu, broyant tout sur son passage, menaçant désormais Goma comme en 2012.
Il sème mort et désolation parmi nos populations. Parmi ses têtes de proue figurent de nombreux professionnels
d’agression dite rébellion, multirécidivistes maintes amnistiés, brassés, mixés et intégrés dans nos forces
armées et de défense et autres institutions de la république qu’ils ne cessent de subvertir.
A l’origine, la crise de légitimité des institutions et surtout des animateurs dont le mode de fonctionnement
se résume en 4 mots : prédation, corruption, répression et satellisation auprès des parrains étrangers. Il en
découle la jouissance indécente, voire injurieuse. Ainsi, à l’arrivée un pays exsangue à la merci des
aventuriers de tous bords dont ses voisins, un peuple meurtri et clochardisé, une armée exténuée, laminée
et désintégrée par des infiltrations et l’affairisme de certains de ses hauts gradés. Si le système prospère,
c’est surtout une faute de vision.
Un manque de vision coupable
Gouverner, c’est prévoir, dit-on. La lourde responsabilité qui consiste à présider au destin de tout un peuple
requiert de la hauteur, de la vision, de la détermination et de l’esprit d’indépendance. Or, il se trouve qu’en
République Démocratique du Congo, ceux qui réclament l’exclusivité du champ politique manquent
cruellement tous ces attributs intrinsèques d’un meneur d’hommes ou d’un père de la nation. Cette cécité est doublée d’une surdité préjudiciable à la bonne gestion du pays. Celui qui en souffre est imperméable à tout, même à la voix du bon sens d’un héraut mondialement écouté et consulté sauf par Epiméthée et les siens.
Le Professeur Docteur Denis Mukwege, puisque c’est de lui qu’il s’agit, a, à plusieurs reprises, tiré la
sonnette d’alarme pour attirer l’attention d’Epiméthée et sa cour sur le péril qui menace la nation, en vain.
Tenez ! Le 28 novembre 2021, il tweetait : « Après 25 ans de crimes de masse et pillage de nos ressources
par nos voisins, l’autorisation du Président (de la République) à l’UPDF et les accords de coopération
militaires avec le RDF sont inacceptables. Non aux pyromanes-pompiers ! Les mêmes erreurs produiront les
mêmes effets tragiques. Debout Congolais, Nation en danger ! » Pourquoi le roi et les courtisans,
autoproclamés « professionnels de la politique », qui nous rabattent les oreilles à longueur des journées
que le médecin de Panzi n’est pas expert en politique n’anticipent-ils pas, comme lui, les dangers que court
le pays, mais s’empressent constamment à signer des accords funestes pour le devenir de la RDC notre pays
?
Malgré moult avertissements du Prix Nobel et en dépit de tant de souffrance de notre peuple, nos
dirigeants n’ont eu de cesse de signer des accords léonins donnant des avantages exorbitants aux agresseurs et à leurs valets au détriment du Congo et de son peuple. Nul homme sensé ne peut donner sa fille violée en mariage à son bourreau. Pourquoi persévérer à confier la sécurité de notre peuple à ceux-là mêmes qui l’entretiennent ? Une fois, on peut comprendre que l’on se puisse se tromper, mais pas tout le temps. Sans remonter loin dans le temps, notons la Feuille de route de Luanda, le Processus de Nairobi et d’autres accords dont le contenu reste inconnu du peuple congolais, voire de la représentation nationale.
Tout se passe comme si la République est un bien privé d’une personne qui en dispose à sa guise. Cela nous renvoie à une histoire douloureuse avec un monarque belge et un roi zaïrois qui considéraient le Congo comme un patrimoine personnel. Témoigne de cette conception de l’Etat l’accréditation de Vincent Karega en tant qu’ambassadeur du Rwanda en RDC, pourtant fortement déconseillée en septembre 2019. Elle était passée comme une lettre à la poste, allant jusqu’à ignorer les avertissements de nos propres services de sécurité sur le diplomate rwandais pourtant déclarée persona non grata en Afrique du Sud où il s’est tristement illustré dans la chasse aux opposants rwandais présents dans ce pays.
Cet émissaire du gouvernement rwandais s’est montré particulièrement arrogant et nuisible pour notre pays. Son expulsion maintes fois réclamée par beaucoup de Congolais vient à peine d’être décidée. Mais le mal est déjà fait. Nos dirigeants manquent cruellement de vision et sont toujours en retard face aux enjeux auxquels notre pays est confronté
Le Chef de l’Etat lui-même a perdu 3 ans à s’accoquiner avec Paul Kagame, « son frère », alors que cet homme retors et manipulateur est le pire bourreau de notre peuple. Cerise sur le gâteau, le guide suprême rwandais accusé de pires crimes avait même été honoré d’une invitation aux obsèques d’Etienne Tshisekedi et applaudi au Stade des Martyrs à Kinshasa par des membres d’un parti bien connu. C’est comme voir Hitler acclamé au Stade de France ! Un comble ! Voilà pourquoi l’apparent retournement du gouvernement
Tshisekedi face au Rwanda laisse songeur tout observateur averti.
Quand la patrie est en danger, le chef se révèle. C’est ce que nous apprend l’ancien comédien ukrainien passé à la politique.
Le Président Zelinski de l’Ukraine n’a plus quitté le sol de sa patrie depuis le début de la guerre et a désormais troqué son costume contre un polo militaire. Tout un symbole qui lui vaut de nombreux soutiens face à son superpuissant voisin et de l’admiration. Le contraste est saisissant lorsque qu’on regarde les images du guide suprême de notre pays en guerre depuis plus longtemps. Bunagana à peine occupée par le M23, le voilà qui s’envole pour Marbella, sur la Costa del Sol pour y passer des vacances avec une forte délégation. Cette étrange attitude de la part du garant de la souveraineté nationale
et de l’intégrité du territoire congolais interroge toute personne de bon sens et de bonne foi.
L’herméneutique d’une crise
La crise sécuritaire que vit la RDC depuis plus de 25 ans ne peut être comprise si nous ne regardons que l’avancée du M23 aujourd’hui. Il nous faut préalablement pointer une faute sémantique grave que nous Congolais commettons lorsque nous parlons des éléments armés qui déstabilisent notre pays depuis plus
d’un quart de siècle.
Des groupes armés fabriqués, équipés et soutenus par le Rwanda et l’Ouganda sont
appelés par nous des « rebelles ». Mais que signifie le mot « rebelle » ? C’est un citoyen qui ne reconnaît pas l’autorité légitime et se révolte contre elle. Cette définition nous entraîne ipso facto à la conclusion que pour mettre un terme à une rébellion, il faut que l’armée régulière vainque celle-ci ou que l’autorité légitime négocie avec elle. C’est la voie qui a été suivie par la R.D.C. depuis Joseph Kabila jusqu’à aujourd’hui.
C’est la clé de compréhension que nous avons fournie à la communauté internationale s’agissant de la guerre qui perdure dans l’est du pays. Ce seraient des compatriotes congolais non-contents
de la manière dont le pays est conduit qui se lèvent pour le signifier au pouvoir en place
Or, en ce qui nous concerne, l’instabilité sécuritaire de notre pays n’est pas le fait d’une rébellion mais d’une agression. Les terrorisme et interventionnismes des Etats voisins (rwandais, ougandais, burundais, etc.) n’ont jamais arrêté de monter de toutes pièces des groupes composés majoritairement de leurs propres
militaires auxquels ils adjoignent des pantins congolais achetés qu’ils mettent en avant pour « congoliser » la vitrine de leurs légions criminelles. Il y a donc lieu de parler de corps expéditionnaires terroristes au lieu de groupes rebelles. Il est d’emblée clair qu’on ne négocie pas avec un corps expéditionnaire terroriste pour l’intégrer dans les institutions officielles du pays. Bien nommer les choses peut s’avérer utile pour parvenir à une solution. Ce sont donc des étrangers qui nous combattent pour des motifs connus qu’ils dissimulent mal
Comment mettre fin au péril ?
La crise multiforme et, en particulier, sécuritaire qui prévaut au Congo trouve sa source dans l’illégitimité du pouvoir. Un régime politique qui n’émane pas du peuple ne peut travailler pour le peuple, mais pour celui ou ceux qui l’ont mis en place. C’est une règle historique connue.
La question de la sécurité de notre pays et celle de l’intégrité du territoire national sont liées à la légitimité du pouvoir en R.D.C. Tant que le peuple ne se lèvera pas pour refuser la servitude volontaire, le Congo souffrira encore longtemps. Et les échéances électorales à venir font peur à tous les criminels qui sévissent depuis plus de 25 ans dans notre pays. C’est pourquoi, tout candidat qui n’est pas contrôlé par ce « conglomérat d’aventuriers », dixit L.D. Kabila, connaîtra des attaques, des menaces et des difficultés avant même le début de la compétition, durant la campagne, pendant l’élection et après l’élection.
En ce moment de péril pour la nation, le peuple congolais doit signifier à la face du monde entier, en commençant par le Président Félix Tshilombo Tshisekedi, par des manifestations massives, illimitées dans le temps et interminables à travers tout le pays et dans la diaspora, que les accords politiciens, secrets ou non, avec les ennemis de notre patrie et de notre pays ne nous concernent pas et que les Congolais en ont assez de verser leur sang pour la consolidation des pouvoirs kléptocratiques qui enfoncent le peuple dans la misère et hypothèquent l’intégrité territoriale de notre pays. Nos dirigeants doivent savoir que s’ils ne prennent pas des mesures vigoureuses qui mettent rapidement hors d’état de nuire le M23 et tous les groupes armés qui endeuillent notre peuple et écument notre pays, ils auront amplement montré leur incompétence et devront immédiatement démissionner de leurs fonctions.
Au nombre de ces mesures urgentes et vigoureuses, figurent la fermeture des frontières avec les pays agresseurs (Rwanda et Ouganda) (1), la suspension de tous les accords bilatéraux avec les pays agresseurs avant le retrait pur et simple (2), la mise en place de la justice transitionnelle pour demander des comptes aux auteurs des crimes graves (3), la promulgation d’une loi martiale pour nous donner les moyens de mobiliser les ressources nécessaires à la guerre (4), la réforme du secteur de sécurité pour rompre définitivement avec l’externalisation de notre sécurité nationale auprès de l’ONU ou des tiers (5). Une grande nation de cent millions d’habitants ne peut courber indéfiniment l’échine devant de petites nations.
Elle se doit de « réformer le secteur de la sécurité, seule solution durable à la sécurisation et à la pacification. » Professeur Denis Mukwege, 6 août 2022.
Notre peuple et l’ensemble des forces vives de la nation (étudiants, professeurs, jeunes, vieux, femmes, enfants, commerçants, médecins, chômeurs, etc.) doivent se mobiliser comme un seul homme pour manifester pacifiquement jusqu’à la libération totale de nos territoires occupés. Quand on ne peut pas se révolter face à l’ignominie, on n’a pas le droit de se plaindre. A la suite de nos Pères de la Nation, mettonsnous debout et marchons. Un peuple peureux restera esclave à jamais. Le pouvoir au peuple
Appel Patriotique
Conseil Stratégique National
Kinshasa, le 31 octobre 2022