À Genève, capitale de la Suisse, Dismas Kitenge Senga, président du Groupe LOTUS, une organisation non gouvernementale congolaise de défense des droits humains basée à Kisangani dans le nord-est de la RDC, active depuis plus de trente ans, a porté haut la voix des défenseurs congolais des Droits Humains à la pré-session sur l’Examen périodique Universel de la RDC prévue en octobre-novembre 2024 toujours à Genève, devant la Ministre des droits humains et la commission nationale des droits de l’Homme de la RDC.
Dans un discours vibrant, notamment sur le thème relatif à l’espace civique et la protection des défenseurs des droits humains en RDC, Dismas Kitenge Senga, a soulevé des progrès, des inquiétudes et des recommandations cruciales sur le plan des Droits Humains en RDC, pays qui a déjà reçu et a accepté vingt-sept (27) recommandations pour garantir l’ouverture de l’espace civique et la protection des défenseurs des droits humains.
Des progrès majeurs
Pour Kitenge, dans un contexte de conflit armé à l’Est du pays et de diverses tensions, l’on a enregistré des progrès suivants : la promulgation de l’Edit numéro 001/2019 du 30 novembre 2019 portant protection des défenseurs des droits humains(DDH) dans la province du Nord-Kivu, l’ordonnance-loi numéro 23/009 du 13 mars 2023 fixant les modalités de l’exercice de la liberté de presse, d’information et d’émission par la radio et la télévision, la presse écrite ou tout autre moyen de communication en RDC, la loi numéro 23/027 du 15 juin 2023 relative à la protection et à la responsabilité du défenseur des droits de l’Homme en RDC et l’ordonnance-loi numéro 23/010 portant code du numérique en RDC.
À l’avènement de nouvelles autorités du pays après les élections de 2018, la libération des détenus et des prisonniers politiques, le retour des exilés politiques au pays, le respect et l’encadrement des manifestations politiques, suivis des promesses et discours publics de fermeture des cahots de l’agence nationale de renseignement et de l’encadrement des forces de défense et de sécurité, ont été des actes et des faits encourageants et prometteurs.
Des inquiétudes sur les menaces, les arrestations,…
A côté de ces avancées, et bien que constitutionnellement reconnues, Dismas Kitenge a révélé que les libertés de réunion pacifique, de manifestation, d’expression et de la presse sont fortement entravées dans la pratique. Au nom de la sécurité publique, et au regard de la situation de conflit à l’est du pays, les autorités se permettent d’attaquer les libertés les plus fondamentales aboutissant à une forte restriction de l’espace civique, voire une limitation avérée de celui-ci dans les provinces sous état de siège, au Nord-Kivu et en Ituri. Des défenseurs des droits humains connaissent des arrestations, des menaces, des intimidations, d’autres formes de violences et même des meurtres et des assassinats.
Il a soulevé la question de la levée du moratoire sur la peine de mort le 13 mars 2024 par le gouvernement congolais qui, a-t-il confié, constitue une menace aux défenseurs des droits humains. A travers cette mesure, les autorités congolaises visent en particulier les criminels et les « traitres à la patrie », terme vague qui peut englober toute personne s’opposant à la stratégie du gouvernement dans la guerre à l’Est, ou encore toute personne qui critique l’état de siège. Cette décision contrevient aux articles 16 et 61 de la constitution de la RDC et à l’article 3 de la déclaration universelle des droits de l’Homme.
Presque toutes ces violations des droits des défenseurs des droits humains sont assises sur l’impunité quasi-générale de leurs auteurs. Pas de démocratie sans une société civile véritablement indépendante, impartiale, dynamique et efficace. Pas des droits humains sans respect et protection des défenseurs des droits humains.
Recommandations
Ainsi, Dismas Kitenge a formulé les recommandations suivantes :
- Promouvoir les activités de dissémination et sensibilisation autour de la loi numéro numéro 23/027 du 15 juin 2023 relative à la protection et à la responsabilité du défenseur des droits de l’Homme en RDC, notamment en provinces, et garantir que ses articles 3, 11,26,27 et 28 ; en lieu avec les sanctions pénales et administratives soient révisés pour ne pas restreindre davantage le travail des acteurs de la société civile et l’espace civique ;
- Veiller à la mise en œuvre effective des lois et autres textes garantissant l’ouverture de l’espace civique, la protection des défenseurs des droits humains et journalistes, la liberté de la presse, de réunion et de manifestation pacifiques ;
- Garantir la protection de tous les défenseurs des droits humains en toutes circonstances ; en mettant l’accent sur la situation des femmes défenseurs des droits humains, des défenseurs de la terre, de l’environnement et des défenseurs des droits des personnes LGBTQIA ;
- Retirer la décision qui établit l’exécution de la peine de mort en RDC pour se conformer à l’article 61 de la constitution qui prévoit qu’en aucun cas, même lorsque l’état de siège est déclaré, on ne peut porter atteinte, notamment au droit à la vie (…) ;
- Ratifier le deuxième protocole facultatif au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, visant l’abolition de la peine de mort.
- Que le gouvernement congolais invite la rapporteuse spéciale des Nations Unies sur les défenseurs des droits humains à effectuer une visite de terrain pour évaluer la situation de ces derniers et faire des recommandations concrètes pour son amélioration.